L'attirance pour la ligne horizontale m'est venue lorsque je faisais des trajets quotidiens en voiture. La même route, le même chemin, les mêmes maisons, les mêmes arbres, les mêmes tournants. Mais jamais la même lumière, jamais le même ciel, jamais le même horizon, le même vert, le même brun, le même bleu, le même blanc. Tous les jours, était un ciel levant nouveau, un soleil couchant nouveau, avec l' amplitude et les dimensions des paysages qui allaient et venaient en fonction de la densité de l'air. Ou beaucoup d'eau, ou beaucoup de soleil, ou beaucoup de brume. Le ciel tombant comme une chape qui vous enrobe de son silence et vous prend dans une grotte où la terre brille de toutes ses couleurs et ses odeurs.
Comment faire pour garder le secret de cette beauté domptée pour les obligations du rendement intensif ? Fini les petites haies, les petits espaces, les petits prés, les petites cultures, terminé tout ce qui était petit et qui restait ''gérable'', nous sommes dans l'immensité du tout. Quelques lopins de terres ont résisté aux machines, même dans la nature il y a de la résistance !...
Et là se trouve le secret de ce qui devient la surprise, l' événement, l' inattendu, cette chose qui fait que dans cette étendue il y a un petit quelque chose qui ne se verra que pour celui qui pourra le voir. Ce n'est rien,, ce sera un buisson au fond du pré, trois rochers à la lisière de la forêt. Au milieu des arbres il y aura un arbre , ce sera l'arbre auquel personne ne pense, tellement personne ne le voit....sauf peut-être ?...
Ou encore une fontaine, un ruisseau, une petite butte ressemblant à des genêts, ou des ronces ou quelque chose d'indéfinissable.
Mais peut-être ce paysan-là a-t-il voulu garder pour lui ce lopin de terre ?
Le besoin de "raconter" ces moments magiques, ces images qui ont bercé mes allées et venues, est vite devenu indispensable, les papiers marbrès m'ont permis de les interpréter, de m' exprimer de façon impromtue.
Et mes paysages quotidiens devenant encore plus grandioses, impossible de les maitriser !...
Il fallait trouver des solutions pour les traduire sur le papier sans devoir pousser les murs.
Pour la réalisation des paysages je me laisse guidér par les lignes. Toujours la ligne, l'horizon, la verticale, la diagonale etc... cette ligne qui suit le mouvement de la terre, je suis ce mouvement pour me laisser couler vers son espace. Je contourne les courbes, suis les verticales et les horizontales, mon geste m'emmène là ou je dois aller..............la tête pense quand le travail est fait, jusque là j'écoute l'air et l'espace.
Le travail sur le paysage est la base de toutes mes peintures. Jusqu'ici je ne vois pas ce qui pourrait changer . je ne me lasse pas des lignes qui envahissent l'espace de la nature où je vis depuis 10 ans. Il me semble que cela me permet de rester dans une humanité. L'espace m'enveloppe et me sécurise, même s'il devient de plus en plus grand, mais n'est-ce pas notre chemin de vie de regarder l'horizon où les lignes se poussent pour nous emmener loin, arriverais-je à le toucher ?